Interview d'Amandine Piguel, créatrice de BIUMIZ

Selon l'INSEE, en 2023, les femmes occupaient seulement 24 % des emplois numériques en France. En quoi la présence des femmes, et la diversité des profils au sens large, sont-elles pourtant essentielles pour les entreprises ?
La diversité, qu’elle soit culturelle, ethnique ou de genre, est fondamentale pour débloquer la créativité des équipes. Les femmes et les personnes venant de cultures différentes apportent des façons de penser différentes. L’objectif est de réunir ces talents pour favoriser l’émergence de solutions innovantes.
La diversité est un enjeu stratégique pour les entreprises, mais pour cela il faut déconstruire les conditionnements et aboutir à un équilibre de genres.
Selon vous, quelles stratégies une femme peut mettre en place pour s’affirmer dans le numérique et/ou l’entrepreneuriat ?
Les compétences en sciences dures et en mathématiques ne sont ni masculines ni féminines, mais le conditionnement social dès l’enfance crée des freins artificiels. Les femmes doivent déconstruire ces idées et oser se lancer si ces domaines les attirent. Pour s’en persuader, il faut savoir qu’en Malaisie, le secteur de l’informatique est majoritairement féminin, parce qu’il n’est pas considéré comme étant salissant et ne demande pas de force physique.
J’ajouterai. Regardez votre quotidien : vous gérez déjà des projets, des priorités, des budgets… Vous avez en vous les qualités d’une entrepreneuse. Être chef d’entreprise, c’est la même chose à une autre échelle. Faites-vous confiance et trouvez un·e mentor pour vous guider et vous soutenir !
Avez-vous rencontré des difficultés particulières en tant que femme au cours de votre parcours ? Si oui, comment les avez-vous surmontées ?
Oui, j'ai rencontré de nombreux obstacles liés aux stéréotypes de genre. J'ai également fait face à des situations où ma légitimité était remise en question. Pour y remédier, j’ai développé mon assertivité. Maintenant j’ose me poser en tant qu’experte, j’ose contredire et m’affirmer.
La gestion de la charge mentale a aussi été un enjeu au début de mon parcours entrepreneurial. Heureusement, grâce à un partage plus équilibré avec mon conjoint, j’ai pu me recentrer sur mon projet.
Qu’est-ce qui vous a motivée à créer BIUMIZ ?
J’ai créé BIUMIZ après une expérience professionnelle difficile en tant qu’architecte logiciel dans une entreprise d’édition de logiciels. J'ai ressenti un manque de valorisation de mes compétences, ce qui m'a amenée à remettre en question mon orientation professionnelle.J’ai alors repris des études en management opérationnel.
Pendant cette formation, on nous demandait de réaliser des business plans, des études de marché, des plans marketing. Pour être efficace, j’ai choisi un sujet récurrent et j’ai travaillé avec un co-étudiant sur une idée de site d’apprentissage des langues pour enfants. En travaillant sur le projet, j’ai réalisé qu’il avait un vrai potentiel et j’ai retrouvé confiance en mes compétences.
BIUMIZ est né de cette envie de donner du sens à mon métier et de le pratiquer sans rendre de comptes à personne.
En quoi votre projet se distingue des applications d’apprentissage des langues telles que Duolingo ou Babbel ?
BIUMIZ se démarque avant tout par son approche interactionnelle. C’est un jeu transmédia qui permet l’apprentissage langagier, sollicite le soutien parental et favorise le développement des compétences psycho-sociales (résolution de conflits pacifiques, communication, empathie, abstraction, attention à soi, gestion des émotions, etc.).
Parce qu’elle est basée uniquement sur l’interaction et l’immersion, BIUMIZ reproduit les conditions d’apprentissage de la langue qu’un bébé vit au moment où il apprend à parler. De plus, BIUMIZ est conçu pour être un véritable jeu vidéo, avec une expérience de jeu complète, pas une simple gamification.
À quel stade se trouve votre projet ?
Après avoir travaillé à 100 % sur BIUMIZ pendant deux ans, j’ai abouti à une première démo. Cela m’a permis de nouer des partenariats avec l’université et des laboratoires de recherche. L’obtention d’une première subvention, via le programme de prématuration du CNRS, nous a permis de tester notre solution en classe. Ces premiers résultats ont conduit à une seconde subvention. Depuis juillet 2024, je suis accompagnée par SEMIA, incubateur de la Région Grand Est, en tant que porteuse de projet innovant.